Des cabanes. Un pin solitaire. La crête d’une falaise qui se découpe au loin.
Le paysage est ici un prétexte ; ce que l’artiste cherche à représenter est un ailleurs, un songe que l’on entrevoit, un souvenir que l’on se remémore. Ce sont des sensations, des émotions éprouvées passées ou à venir, comme décantées pour ne garder que l’essentiel…
Baignés par une sorte de brume, les paysages n’offrent pas de linéarité temporelle, ni de localisation précise malgré les clins d’œil que sont les titres. A travers l’épure des formes, le travail des strates de couleurs, de transparences et de superpositions qui donne cette patine si singulière, Claire Degans cherche avant tout à rendre visible une image intérieure. Les effets diffus de vibrations lumineuses rassemblent l’essentiel des choses, créent l’harmonie du tableau et son unité, contribuant à travailler plutôt sur la vision que sur la représentation. Lumière du rêve et lumière du souvenir, qui déjà s’estompe et qu’elle tente de saisir dans son épuisement, où les images se nourrissent de l’actuel et du lointain, et où elle tente de faire coïncider le témoignage de ce qu’elle voit avec l’image du souvenir de ce qu’elle peint, comme une peinture de la mémoire à venir.
Contemplatifs, ses tableaux sont une transcription poétique des paysages méditerranéens conjugués à une approche picturale proche de la peinture taoïste chinoise : l’homme est impliqué dans un monde bien plus large que lui-même, vaste réseau d’engendrement et de circulation, animé et uni par un même courant vital.
Comme le dit François Cheng « La nature n’est pas un décor, un agrément, mais la part vitale de notre propre esprit. Elle nous initie à la loi de la vie et au mystère de la beauté, tout en incarnant ce que notre esprit porte en lui de secret et de nostalgique. »
Dans cet univers recomposé, la présence humaine s’y devine, fugitive et toute relative, silhouette parfois à peine esquissée. Tendu vers l’infini, la ligne d’horizon ou la crête d’une montagne, ces sentinelles semblent parfois capable de percevoir l’indicible…